Leçon d’investissement d’un financier-proxénète

25 11 2019
Partager l'article



Mon cher lecteur,
 
Je vous propose aujourd’hui une leçon d’investissement un peu particulière.
 
Elle nous vient d’un damné d’outre tombe, le financier-proxénète d’enfants :
Jeffrey Epstein, celui qui a été suicidé dans sa cellule l’été dernier.
 
Sa sordide histoire a refait surface cette semaine après
la disgrâce du prince Andrew dont la braguette facile laisse dépasser un cerveau sous la ceinture et une communication éructante quand seul le silence pouvait encore le sauver. Qu’il soit remercié de son ultime gaffe, elle aura au moins eu le mérite de jeter un bout du voile sur
« l’Affaire Epstein » et
la dislocation des élites, car ses ramifications dépassent l’entendement.
 
Il ya quelques jours, le Prince Andrew a accordé un entretien à la BBC pour s’expliquer sur
« l’affaire » dont il est un des principaux protagonistes.
 Les 49 minutes de l’entretien sont d’un ennui féroce et compassé pendant lesquelles le prince Andrew enfile les énormités comme autant de petits fours à l’heure du thé.
 
Des élites trop zélotes
« Pourquoi êtes-vous retourné séjourner chez M.Epstein après sa libération de prison, alors que vous saviez qu’il était un criminel sexuel ? » 
 
« Je voulais lui dire qu’il n’était plus approprié que nous nous voyions […] même s’il avait purgé sa peine et entendait refaire sa vie, toute l’attention des médias sur moi faisait qu’il n’était pas sage que nous continuions à nous voir. »
Ce simple échange résume tout l’entretien, le prince Andrew trouve naturel de rendre visite à un proxénète pour lui dire qu’il ne veut plus le voir… incomparable logique. Parce que c’est
« inapproprié ». Parce que les médias le
scrutent. Tout le flegme anglais ne saurait justifier une telle répartie d’
Andrew le piteux, qui trouve encore à s’enfoncer en précisant être
mécène de l’Association Nationale de Prévention de la Cruauté envers les Enfants dont le fer de lance est
la lutte contre les abus sur mineurs
 
Une
royale maitresse peut-elle seulement être trop jeune pour un descendant d’Henri VIII qui a dû se tromper de siècle ?
 
Ces champions de vertu médiatique, premiers à condamner, ne sont pas les derniers à pêcher.
 
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
 
La façade s’effondre
Sans doute le prince Andrew a-t-il été au système Epstein ce que Tom Cruise est à la Scientologie, une façade bien entretenue, un argument marketing de respectabilité que l’on soigne, que l’on pourvoit en «
maîtresses » — le terme prostituée est inapproprié pour un membre de la famille royale britannique —, que l’on entretient luxueusement et dont on paie les dettes, celles de son ex-femme en tout cas. Il était si pratique de ne rien voir.
 
Et comme il le dit lui-même, au début des années 2 000, Andrew est en pleine reconversion. Il a quitté le service actif dans la marine pour devenir
représentant spécial du Royaume au commerce international et aux investissements étrangers. La vie dans la marine est très
solitaire (sic) et il doit reprendre pied dans le monde…
 
Or tout le monde qui compte, celui des hommes d’affaires, politiciens, banquiers, acteurs et universitaires se retrouve chez Jeffrey Epstein…
 
Voilà notre bon prince qui confirme comme par mégarde l’ampleur de l’affaire : on parle de centaines de personnalités extrêmement influentes s’adonnant à la luxure, chacun selon ses goûts et pourquoi pas sur des enfants, en totale impunité pendant 20 ou 25 ans… Oh ils nient tous en bloc et doivent être étonnés de ce qui leur tombe sur la tête.
 
La façade s’est effondrée d’elle-même, sans doute à la suite de l’affaire Weinstein et de la dislocation du marigot des élites auto-proclamées qui entrent dans une longue période de turbulences.
 
Ne restez pas derrière
Il n’est plus bon se mettre dans la roue des élites aujourd’hui :  
elles ne sont plus un exemple à suivre, que ce soit en matière d’investissement, d’affaires ou de morale. Bref, ce ne sont plus des élites, simplement des accapareurs.
 
Je ne citerai pas de nom car il y a évidemment dans ces listes d’honnêtes gens qui se sont fait avoir et se retrouvent mêlés aux pires prédateurs. Il nous est impossible de faire le tri, nous verrons avec le temps, si la justice américaine, qui a les preuves entre ses mains, est suffisamment indépendante pour que justice finisse par être faite.
 
Peu importe, nous savons que
parmi le millier de noms que contient le carnet d’adresses de Jeffrey Epstein, sont fatalement ceux qui entretenaient son train de vie de milliardaire, fait de luxueuses résidences autour du monde (dont la plus grande résidence privée de Manhattan, estimée 77 millions d’euros, un ensemble de 7 appartements avenue Foch à Paris…), îles et jets privés, philantropie exubérante (il finançait des recherches sur l’eugénisme et le transhumanisme) ainsi que tout le train qui va avec…
 
Les racines du monstre
Jeffrey Epstein est un
ancien professeur de lycée,
viré parce qu’il était trop mauvais,
ancien banquier chez Bear Stearns,
viré pour malversation,
ancien gérant de hedge fund
qui fit perdre 450 millions de dollars à ses clients dans ce qui fut la plus grosse arnaque à la Ponzi jusqu’à Bernard Madoff,
ancien gérant d’un autre autre hedge fund
qui fut à la pointe des CDOs, ces instruments financiers exotiques au cœur de la crise de 2008 et de la chute de Bear Stearns, son ancien employeur.
 
Il est aussi beau parleur que mauvais dans les affaires.
 
Alors comment faisait-il pour gérer sa société de gestion d’actifs pour milliardaires créée à la fin des années 1990 ?
 
Le seul milliardaire connu pour avoir été son client est Leslie Wexner, propriétaire de la marque de lingerie
Victoria Secret… Un proxénète de luxe qui fraye avec le patron d’une marque de lingerie autour de laquelle gravite des milliers de jeunes mannequins en quête de célébrité. Belle paire.
 
Les «clients» de Jeffrey Epstein
Il existe une théorie qui, sans être publiquement établie, relie tous les points et permet d’avoir une image globale de l’affaire, cohérente et rationnelle.
 
Il est établi que Jeffrey Epstein invitait ses très influents amis à des soirées de luxure dont il faisait des vidéos en cachette (entre les mains de la justice américaine) pour ensuite faire chanter ses « invités ».
 
Pour ne pas attirer l’attention sur son chantage au milliardaire, Epstein aurait exigé de ses victimes
qu’elles placent une partie de leur fortune dans sa société de gestion avec des contrats particulièrement juteux à la clé.
 
Au début, Epstein investissait activement les sommes avec une régularité de métronome dans l’échec. Epstein était un gros nul de l’investissement.
Sans doute sa gestion catastrophique a-t-elle joué en sa défaveur et ouvrit la voie à son premier procès pour lequel il plaida coupable en 2008 de proxénétisme sur mineur de moins de 18 ans.
 
Face à la gravité des charges, son année de prison dans le quartier VIP d’un établissement privé avec droit de sortie 12h par jour, 6 jours sur 7, fait figure de léger rappel à l’ordre.
 
Le coup de génie d’Epstein
Le maître-chanteur avait des atouts maîtres en main et retint sa leçon : 2008 était passé par-là et
il fallait arrêter, non pas ses crimes sexuels mais de faire n’importe quoi avec l’argent de ses « clients ».
 
C’est alors qu’Epstein eut son seul coup de génie financier après 2008… Il ne fit plus rien avec l’argent de ses clients.
 
Fini les coups et tordus et investissements exotiques.
 
Les sociétés de gestion et d’investissement sont très connectées entre elles : le système est complexe et vous avez sans cesse besoin d’intermédiaires spécialisés. Or la société de gestion d’Epstein, la
Financial Trust Company n’avait aucun lien d’affaires avec Wall Street et n’employait guère qu’une 20aine de salariés, loin des 300 dont se vantait Epstein.
 
Cela ressemble curieusement au cas Madoff et son Ponzi, mais Epstein était déjà passé par là et cette fois, il fit beaucoup plus simple :
il investit l’argent de manière passive dans des ETF répliquant essentiellement les grands indices boursiers américains.
 
Nous étions juste après la crise de 2008, en reprise de cycle, il n’y avait pas meilleure stratégie.
 
Bien sûr, vous auriez pu investir vous-même pour quelques dixièmes de pour-cent de frais, loin des 3 à 5% que prenait Epstein, mais à côté des autres hedge fund pris dans la tourmente de l’aplatissement de la courbe des taux, la gestion d’Epstein faisait bonne figure.
 
Sans doute serait-il encore en selle s’il n’y avait l’affaire Weinstein à Hollywood et cette épée de Damoclès de l’opprobre publique, de la chute brutale.
Il y a trop de monde sur le piédestal.
 
Les coudes se desserrent et les rats quittent le yacht 5 étoiles de ce que l’on appelle abusivement « les élites », dont la dislocation est un phénomène qui mériterait d’être mieux étudiée.  
 
Nous n’avons pas fini d’entendre parler de l’affaire Epstein.
 
Le leçon et son corollaire
Quant à lui, il aura fallu près de 30 ans et des centaines de millions de pertes pour que ce génie de la parlotte mais truffe en investissement apprenne sa leçon :

Pour réussir en investissement, ce ne sont pas tant les marchés qu’il faut connaître, il faut se connaître soi-même et apprendre la patience et la modération.

 
Bien sûr j’aurais pu prendre un exemple moins dramatique pour développer mon argument.
 
Je ne l’ai pas tant choisi pour marquer les esprits que pour son corollaire immédiat :
Pour réussir en investissement, il faut vous connaître et connaître votre place dans le monde.
 
Élite partage son étymologie avec « élire » et signifie à l’origine, les meilleurs parmi une population donnée, comme par exemple les unités d’élite de l’armée. En son sens strict, les élites sont donc les meilleurs dont nous devrions suivre l’exemple. Mais nous nous rendons compte, notamment avec cette affaire Epstein (et Weinstein) que
 
  • Non seulement, ce que nous apellons encore les élites n’est en rien exemplaire et ne sont certainement pas des modèles à suivre mais un groupe qui a pris son autonomie du reste des populations et dont ;
  • L’organisation, la cohérence même de ces élites prédatrices est voie de dislocation. Le haut de la pyramide se fissure encore plus vite que le bas.
La raison de la dislocation est la même qu’ailleurs :
nous savons bien que nous entrons dans une époque de rareté des ressources, de fin de croissance, le gateau se rétrécit, les appêtits s’aiguisent et le consensus disparaît partout.
 
Le consensus disparaît et laisse à voir les gouffres béants de nos systèmes obsolètes mais entretenus à grands frais pour protéger les privilèges acquis.
 
En 2009 et après, nous étions en reprise de cycle, les actions prenaient l’ascenseur. Aujourd’hui, nous sommes en fin de cycle et à moyen terme, il n’y a que des coups à prendre sur les marchés.
 
Quand on n’est pas un génie de l’investissement (c’est-à-dire par définition 99,99% de la population, moi y compris), il est illusoire de chercher des mouvements conjoncturels ou des « coups », même lorsque l’on est un
insider. Il faut s’inscrire dans les tendances simples de long terme et les investissements tout aussi simples qui leurs correspondent.

 
 
Si ce que vous recherchez est réellement le rendement de long terme et non le jeu, l’adrénaline du risque, le pari sur une technologie merveilleuse,
l’or est incontournable.
 

À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle
 



Partager l'article