Ma chère lectrice, mon cher lecteur,
Le Conseil de l’UE a approuvé vendredi dernier le cadre législatif sur l’Euro numérique.
Il ne reste donc plus qu’au Parlement de le voter dans le courant de l’année, il pourra alors rentrer en test début 2027 pour une adoption généralisée en 2028 ou 2029.
Le Conseil a validé sans réserve le projet de la Commission, mais il a rajouté une proposition sur les espèces qui ressemble fort à une route pavée de bonnes intentions vers l’enfer monétaire. J’y reviens.
Pour mémoire, le Conseil de l’UE, c’est le conseil des ministres de chaque pays membre qui se réunit pour discuter des projets de la Commission, selon les orientations données par le Conseil européen (eux, ce sont les chefs d’États). Ils passent ensuite le projet de règlementation au Parlement avec qui ils négocieront à la manière d’un système bicaméral.
Cette décision n’est pas anodine, c’est au niveau du Conseil de l’UE que s’est joué l’échec de la mobilisation des avoirs russes pour l’Ukraine… Mais là, pas de résistance et je ne suis pas sûr qu’il y en ait beaucoup plus au niveau du Parlement : De la bronca bien sûr, mais une majorité contre… Ce n’est pas dans les habitudes.
Lentement mais inexorablement, les sapeurs creusent leur tunnel et quand ils seront arrivés jusque sous nos pieds, ils pourront faire sauter leur mine. Mais dormez surtout, nous sussurent-ils.
Le Conseil a donc validé sans réserves les propositions principales de la Commission :
- L’Euro numérique aura bien cours légal, c’est-à-dire le même statut que les espèces. Il devra être accepté partout, par tout le monde et par tous les commerçants ;
- L’Euro numérique devra être accessible en ligne et hors ligne, comme les espèces également, fini les terminaux de cartes qui moulinent faute de réseau… Même en cas de coupure de courant généralisée, tant que les appareils ont de la batterie, les paiements pourront se faire, mais cela pose un problème bien plus compliqué : Comment assurer la sécurité des portefeuilles, physiquement sur des téléphones et appareils dont nous ne maîtrisons pas la fabrication et bourrés de « backdoors » pour permettre des accès pirates aux services de renseignement chinois et américains ?
- À la différence d’un compte en banque classique, la Banque de France devra nommer un établissement de dernier recours obligé d’ouvrir un portefeuille en euro numérique pour tous les résidents français. C’est très important car les fermetures de comptes sauvages se multiplient ces dernières années en France et cela pourrait contribuer à forcer une adoption ;
- Le Conseil parle beaucoup de plafond pour ce portefeuille sans évoquer de montant. Les rumeurs courent sur 3 000 € mais ni la Commission, ni le Conseil ne veulent s’avancer : Le sujet est extrêmement sensible : Plus ce plafond sera élevé, plus les banques perdront leurs précieux dépôts au profit de cet Euro numérique… Je ne serais pas surpris que la BCE finisse par trouver une entourloupe pour permettre de créditer les euros numériques à l’actif des banques en même temps qu’au sien, mais il faut pour cela avoir une grande confiance dans le vice de nos banquiers. Au point où nous en sommes…
- Enfin, et c’est bien le plus grave : L’Euro numérique sera couplé avec le portefeuille d’identités numériques obligatoire partout dans la Zone Euro à partir de 2026… Ils vous répètent d’autant plus que l’Euro numérique doit assurer la confidentialité des paiements qu’ils prévoient de vous surveiller. Notez bien qu’identités est au pluriel, ce portefeuille pourra conserver vos accès bancaires, fiscaux, vos pièces d’identité, permis, carnets de santé, vaccins, crédits carbone… Pass sanitaires, martiaux ou écolo… De sorte que si nous devions nous retrouver dans une situation vaguement comparable à celle du pass vaccinal, ce n’est pas que vous n’auriez pas le droit de prendre le train ou d’acheter un café, c’est que l’on ne vous laisserait pas payer.
Il n’y a rien de nouveau là-dedans, mais il ne me paraissait pas inutile de rappeler les grandes lignes de ce qui va bien finir par nous tomber sur le coin de l’œil.
La nouveauté en revanche se porte sur les espèces dans une manœuvre en même temps à en faire pâlir notre bon président.
Plus ils donnent à l’Euro numérique les mêmes attributs que les pièces et les billets… ANONYMAT EN MOINS !!!… plus ils nous promettent qu’ils protègeront les espèces coûte que coûte.
Première mesure a priori salutaire : Les espèces continueront d’avoir cours légal. Un commerçant ne pourra pas vous les refuser… « Sauf raisons bien établies ». Le ver est déjà dans le fruit.
Si votre commerçant ne peut vous refuser les espèces, il pourra tout de même vous signifier une préférence… Le ver creuse.
Au passage, ils sucrent l’obligation de paiement en espèces pour les distributeurs… Mais également pour tous les points de vente sans personnel.
Mais la proposition la plus étonnante du Conseil de l’UE est l’exigence de suivi des paiements en espèces : Pour assurer la bonne accessibilité aux espèces, le projet du Conseil prévoit un suivi de l’accès aux espèces, de leur acceptation et utilisation effective.
Il y a là une excellente intention de s’assurer que les espèces continuent de circuler.
Oui mais voilà… Le Conseil stipule précisément qu’il faut organiser un suivi précis, y compris des points de vente qui interdiraient les espèces mais sans mesures de rétorsion !
EN MÊME TEMPS, nos ministres réaffirment le cours légal des espèces…Et dépénalisent leur refus !
De là à ce que ce suivi soit retourné contre les espèces pour justifier l’abandon de leur cours légal, voire pour en faire la répression en mettant des contrôles fiscaux aux points de vente trop favorables aux bons vieux billets… Il n’y a qu’un pas que je ne tarde pas à franchir.
Alors que faire ? Je vous le disais en introduction, la prochaine étape est celle du Parlement européen : écrivons à nos députés pour les mobiliser. Nos élus sont plus sensibles qu’ils ne l’avouent aux exhortations de leurs électeurs et surtout préparons-nous à refuser cet euro numérique : une loi ne vaut jamais que dans la mesure où elle est appliquée.
Évidemment, je continuerais à vous tenir au courant des avancée de l’Euro numérique comme je le fais depuis le premier livre blanc de la BCE en 2020.
À votre bonne fortune,
Guy de La Fortelle
