L’inquiétant financement des vaccins COVID

13 12 2020
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 Ma chère lectrice, mon cher lecteur,
 
Le vaccin arrive et avant même de regarder son efficacité réelle toujours obscure, l’étude de son financement se révèle inquiétante.
 
Lorsque les uns prennent tous les risques et les autres tous les profits, comme ici, il ne ressort généralement rien de bon et rien ne permet de penser que la situation actuelle doive faire exception.
 
Lorsque les risques sont mutualisés et les les gains financiers privatisés, il ne ressort rien de bon.
 
Lorsque de tels engagements sont pris en nos noms de manière opaque et contestable, contre toutes les règles déontologie, il ne ressort rien de bon.
Nous sentons bien tout cela. Mais encore faut-il mettre les mots et les chiffres derrière les impressions.
 
Or nos médias sont comme des petits enfants, ce qu’ils ne voient pas n’existe pas et, incompétence ou lâcheté, je ne vois personne regarder de plus près les engagements pourtant dantesques de ce qui pourrait bien être le casse du siècle des labos pharma dont notre santé est devenue l’otage.
 
Il y a un gros travail de sources et d’analyse derrière cette lettre. Il a été pénible de naviguer dans la complexité factice et jargonnante de technocrates hors-sol. Je pense qu’elle est importante et si vous le pensez aussi, s’il vous plaît, partagez-la sur les réseaux, republiez-la, transférez la à votre carnet d’adresses.
 
L’indécence des labos qui font leur beurre sur le dos du virus
Le 21 juillet dernier, les laboratoires Pfizer-BioNTech, mais aussi Moderna et Merck-Pasteur, refusaient de commercialiser leurs vaccins à prix coûtant en commission de la Chambre des représentants américaine.[i]
 
Le représentant de Moderna justifiait son choix par une levée de fonds d’1,3Mds$[ii] et celui de Pfizer[iii] par un investissement d’un milliard de dollars prévu en 2020.
 
Dans les 2 cas, même si l’utilisation de ces fonds est vague, nous pouvons estimer qu’ils sont essentiellement destinés à la phase de fabrication du vaccin.
 
En effet, les phases de recherche et développement jusqu’à l’accord de mise sur le marché semblent être entièrement financées sur fonds publics et mécénat.
 
Pas de risque financier pour les laboratoires
En octobre 2020, l’initiative COVAX estimait à 4,1 Mds$ les besoins totaux de financement de recherche et développement pour leur grand programme de 9 vaccins candidats dont Moderna est le fer de lance.[iv]
 
Le Covax est la branche vaccin du programme global ACTaccelerator lancé par le G20 le 24 avril 2020 en réponse à la pandémie.
 
Cette initiative Covax est confiée à l’OMS, GAVI et au CEPI, 3 institutions qui ont cette particularité d’avoir la fondation Gates comme premier contributeur financier[v].
 
1,3Mds$ a été directement financé par les pays membre du Covax (y compris l’Union Européenne)[vi] et 2,3 Mds au travers de l’Opération Warp Speed (vitesse de l’éclair) des États-Unis, y compris 955M$ pour Moderna, inclus dans le Covax[vii] et 300M$ pour CureVac par l’Allemagne, aussi dans le Covax[viii].
 
Ces trois sources ne sont pas exhaustives et représentent déjà près de la totalité du besoin de financement, même si un rapport de l’OMS du 10 novembre estime les besoins de financement encore à 1Md$.[ix] L’opacité est importante sur ces questions de financement et les différentes sources d’information ne se recoupent pas correctement mais permettent de dessiner les grandes masses.
 
De leur côté, Pfizer et BioNTech, qui ne font pas partie du Covax ont été financés par l’Allemagne à hauteur de 445M$ pour BioNTech[x] ainsi qu’un prêt garanti de 100M€ (120M$) de la banque européenne d’investissement[xi] soit un total de 565M$. Le montant est sensiblement inférieur à ses concurrents mais Pfizer et BioNTech étaient sans doute plus avancés car ils travaillaient déjà sur la technologie ARNmessager pour un vaccin contre la grippe.              
 
Aussi, malgré l’opacité des laboratoires et des institutions, il est probable que la totalité, voire plus, des coûts de R & D (jusqu’aux autorisations de mise sur le
marché), et donc l’essentiel des risques, soit financés sur fonds publics.
 
Sur la phase de production, le Covax estime à 1Md$ les risques industriels liés à des investissements préalables aux autorisations et donc perdus en cas d’échec et supposés largement portés par l’ensemble des 9 laboratoires engagés dans l’initiative Covax.[xii]
 
Mais ce risque même pourrait être porté in fine par la sphère publique tant les collusions entre les laboratoires et les organismes certificateurs sont grandes comme en témoigne l’autorisation donnée par le Royaume-Uni et Bahrein au vaccin Pfizer-BioNTech, avant même la publication des résultats de l’essai de phase III[xiii] ou la présence au conseil d’administration de Pfizer de Scott Gottlieb qui a dirigé la FDA américaine jusqu’en 2019[xiv], ou encore le récent scandale du Remdesivir en Europe.
 
La collusion est encore plus fragrante au regard du document transmis par Pfizer et BioNTech à la FDA qui a servi à l’homologation en urgence du vaccin et qui écarte d’autorité 1% de l’échantillon ayant reçu le vaccin.[xv]

Un petit pour cent c’est beaucoup trop lorsque votre vaccin prétend éviter 0,5% de formes graves du COVID.
 
Enfin la responsabilité en cas d’effets secondaires est elle aussi portée par la sphère publique.[xvi]
 
Mais un potentiel de plus de 50 % de marge
Pour la phase de commercialisation, nous étudierons uniquement les vaccins Moderna et Pfizer-BioNTech, qui sont les plus avancés et prévoient de produire 1,8 à 2,3 Mds de doses en 2021, soit la majorité des 3 Mds de doses prévues pour 2021 (jusqu’à 1,3 Md pour Pfizer et jusqu’à 2 Mds pour le Covax dont fait partie Moderna).
 
C’est cette phase dont le financement est porté par les laboratoires et pour laquelle Moderna et Pfizer estiment avoir investi suffisamment (respectivement 1,3Mds$ et 1Md$, cf. supra) pour exiger un profit.
 
Sur un marché potentiel de 38 Mds$ en 2021, Pfizer et Moderna devraient cumuler 25 Mds$ à eux deux[xvii]. C’est gigantesque pour Pfizer qui réalise 50 Mds$ de chiffre d’affaires et Moderna qui n’a jamais commercialisé un produit auparavant.
 
Et surtout les investissement de 1 et 1,3 milliard de Pfizer et Moderna paraissent dérisoires à côté des enjeux… Et des marges potentielles.
 
Nous entrons-là dans le saint des saints de ces grosses corporations qui cachent ces marges que nous ne saurions voir… sans en prendre une saine frayeur.
 
D’un côté, le sens commun de la décence et la concurrence acharnée de tous ces laboratoires (plus de 200 vaccins candidats sont en cours de développement[xviii]) voudraient que les marges soient réduites au strict minimum.
 
Mais… Rien n’est moins sûr.
 
À titre de comparaison, la branche vaccins de Sanofi réalise une marge brute de 40 % sur ses vaccins alors même que son premier marché, le vaccin contre la grippe est très concurrentiel et les prix particulièrement bas.[xix]
 
Avec 200 millions de doses vendues chaque année pour 1,7Md€ Sanofi est le premier producteur de vaccin contre la grippe[xx] et l’on peut estimer grossièrement ses coûts de production autour de 5 € si l’on prend la marge
brute moyenne de 40 % de Sanofi sur sa branche vaccins.
 
Or, la technologie de vaccin par ARN messager est particulièrement bon marché à produire : les quantités nécessaires sont très faibles, les protéines d’ARN sont beaucoup plus simples que les protéines traditionnelles, le passage à l’échelle facile, la versatilité importante et la stabilité excellente (à basse température) selon une étude du Dr Steve Pascolo de l’Université de Zurich.[xxi]
 
D’autre part l’analyste de Morningstar Damien Conover a estimé que le coût de fabrication des vaccins mARN à 7,50 $ par dose[xxii] et Geoffrey Porges de SVB Leerink le potentiel de marge entre 60 et 80 %[xxiii].
 
Il faut encore prendre en compte les installations à développer et le coût de transport à très basse température.
 
Le groupe Lonza qui fabrique le vaccin Moderna est en train de finir des installations pour produire 300M de vaccins par an pour un budget de 210M$[xxiv], soit 0,23 $ par dose sur 3 ans en sachant que ces installations sont susceptibles de servir à d’autres vaccins et médicaments. Le Covax estime quant à lui des frais de distribution d’1,5$ par dose[xxv]. Ces frais ne sont pas précisés et semblent particulièrement importants mais quand bien même, la distribution et le développement des capacités de production reviennent à moins de 2 $ par dose.
 
Ce ne sont que des ordres de grandeurs, mais commercialisés autour de 20 $, les vaccins à ARNmessager laissent percevoir des perspectives de marges dépassant les 50 %, très loin du discours dominant de modération.
 
Et cela justifierait de demander une transparence complète des laboratoires sur leurs coûts réels et marges potentielles et un contrôle renforcé tant les artifices comptables peuvent masquer les marges réelles.
 
Il faudrait encore ajouter les gains secondaires potentiellement spectaculaires dont les laboratoires vont encore bénéficier :
  • Position dominante artificiellement confirmée,
  • Outil de production financé,
  • Recherche accélérée,
  • Potentiel commercial important pour le développement d’autres vaccins et thérapies géniques.
Nous sommes donc dans une situation de privatisation des gains et mutualisation des pertes qui constitue une rupture d’équité radicale et un conflit d’intérêts majeur entre les intérêts publics et privés de la course au vaccin.
 
Dans une prochaine lettre nos observerons les conflits et risques que fait peser ce déséquilibre public privé sur l’efficacité sanitaire de notre réponse au virus.
 
Car depuis 4 000 ans, ce principe de loi du plus fort caché derrière un simulacre de coopération déséquilibrée est dénoncé et combattu : du Code d’Hammurabi[xxvi] jusqu’à la théorie des jeux et les stratégies « Tit for tat » de réciprocité[xxvii] en passant par la philosophie thomiste[xxviii] et les Fables de La Fontaine[xxix].
 
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À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle
 
PS :  Si vous ne l’avez déjà fait, SIGNEZ et PARTAGEZ la pétition contre le détournement de l’argent public vers les labos sur : https://www.pas-avec-mes-impots.com/
 
 
Notes :
 
[ii] « These efforts have been partially facilitated by a $483 million grant awarded from BARDA, as well as $1.3 billion of recent investment from our shareholders.  These have helped to lay the foundation for, if mRNA-1273 is proven safe and effective, theefficient manufacture of the vaccine and transfer into the appropriate distribution channels forthe vaccination of Americans.»
 
[iii] « Between funding both research and development and scaling up manufacturing capacity at risk to be able to quickly supply a vaccine at scale if we are successful, we expect to invest about $1 billion during 2020.» https://energycommerce.house.gov/sites/democrats.energycommerce.house.gov/files/documents/Testimony%20-%20Young%2020200721_0.pdf
 
[iv] « Investment in R&D of $2.4 B ($1.5 B urgent need), tech transfer/scale-up and out of $1.7 B ($1.2 B urgent need) »
 
 
 
 
 
 
[ix] ACT-Accelerator Urgent Priorities & Financing Requirements at 10 November 2020. Appendice D
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
[xviii] file:///C:/Users/glf/AppData/Local/Temp/Novel-Coronavirus_Landscape_COVID-19abff2b57-1a18-47d2-933f-ac9745f9954f.pdf
 
 
 
[xxi] Messenger RNA: The Inexpensive Biopharmaceutical, PD Dr. Steve PASCOLO, Journal of Multidisciplinary Engineering Science and Technology (JMEST) ISSN: 2458-9403 Vol. 4 Issue 3, March -2017 https://www.jmest.org/wp-content/uploads/JMESTN42352119.pdf
 
 
 
 
 
[xxvi] Article 200 du code d’Hammurabi sur le principe de réciprocité et de proportionnalité : « Si un homme brise une dent de son égal, une dent doit lui être brisée aussi » d’après la traduction de L.W.King. http://curieux.morenon.fr/pdf/CH_Trad_Comp.pdf
[xxvii] “Cooperation based on reciprocity can be self-policing.” Robert Axelrod, The Evolution of Cooperation. New York: Basic Books,1984. https://ee.stanford.edu/~hellman/Breakthrough/book/pdfs/axelrod.pdf
 
[xxviii]    « Au bien d’un seul on ne doit pas sacrifier celui de la communauté : Le bien commun est toujours plus divin que celui de l’individu », Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, III, CXXV, CERF, 1993, p. 686.
 
[xxix] « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » Jean de La Fontaine, Fables, 1678-1679, Aubert, 1842. https://gallica.bnf.fr/essentiels/fontaine/fables/animaux-malades-peste

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