Décryptons une nouvelle de la haine ordinaire

28 07 2019
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Parmi les nouvelles de la haine ordinaire :
 
Le Figaro, Le Monde, Le Point, L’Obs, Le Parisien, Le HuffPost et d’autres rapportent aujourd’hui un nouvel écart de Donald Trump.
 
Lefigaro.fr en fait même sa Une :

 

« Donald Trump déclenche un tollé après s’être attaqué à un élu noir. »

 
En tete Figaro Trump Cummings
 
Il se trouve que j’ai ma petite pierre à apporter à cette affaire : j’ai habité pendant un an à la frontière de la circonscription de l’élu en question.
 
Donc Donald Trump a accusé Elijah Cummings, le représentant du 7e district du Maryland (l’équivalent de nos députés), d’être à la tête d’une circonscription dégoutante et infestée de rats.
 
Cette attaque n’est pas gratuite, elle répond à une diatribe du même niveau de Monsieur Cummings qui avait violemment reproché au ministre de l’intérieur par interim (acting homeland security secretary) Kevin McAleenan de laisser des enfants migrants arrêtés à la frontière mexicaine assis dans leurs propres déjections.
 
Vous pouvez voir son intervention ici : https://youtu.be/gRZyQFRtm5c
 
La réponse de Trump est basique : c’est c’ui qui dit qui y est.
 
Je ne sais pas si l’affirmation de Monsieur Cummings est vraie, mettons que oui, mais je sais de première main que la réponse de Monsieur Trump l’est, j’y reviens.
 
Normalement, cette incartade de bas étage devrait avoir l’avantage de lever des problèmes réels et d’inciter les élus en question à les régler.
 
Or le sujet a immédiatement dévié sur la question raciale supprimant tout l’effet bénéfique et pratique qu’aurait pu avoir cette querelle de cour de récré.
 
Pourquoi TOUS les grands médias français qui ont couvert le sujet ont-ils décidé d’attaquer cette nouvelle sous l’angle de la question raciale, avec chacun une variation du même titre, plutôt que celle bien plus pratique et légitime de l’hygiène aux frontières ET dans les faubourgs de Baltimore ?
  
Comme je vous le disais dans ma lettre précédente, ces médias n’ont pas d’utilité pratique, mais des fonctions de catharsis, ils servent de défouloir. Peu importe qu’ils soient de gauche, de droite au centre de l’un ou à la marge de l’autre, ils racontent tous la même chose.
 

Généralement, nous ne connaissons pas assez bien les sujets pour nous rendre compte facilement de la manipulation, et si j’ai choisi ce sujet aujourd’hui c’est justement parce que je le connais et je peux témoigner directement.

 
La première fois que j’ai visité Baltimore, un Américain me fit faire un tour du centre ville. À chaque fois il me montrait des rues en me disant jusque-là ça va mais tu ne dois pas t’aventurer après ce croisement, surtout à la nuit tombée.
 
Trop curieux j’ai fais des heures de vélo derrière ces frontières invisibles, souvent dans la circonscription de Monsieur Cummings, en particulier les parties visées par Trump. 
 
J’ai parcouru des avenues apocalyptiques de grandes villas victoriennes laissées à l’abandon, des planches de bois aux fenêtres, les frontons effondrés, les peintures presqu’entièrement disparues et les jardin dégueulant de broussailles… Sur des kilomètres et des kilomètres. Ces avenues étaient presque désertes si ce n’est quelques groupes, de loin en loin, assis sur les perrons en ruine de certaines de ces maisons.  
 
Mais cela n’a pas toujours été ainsi.
 
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, Baltimore était une ville industrielle florissante. C’est là-bas que furent construits plus de 500 des 2700 liberty ships pendant la seconde guerre mondiale.
 
Mais après la guerre, la ville entra dans une grave crise dont elle n’est toujours pas sortie aujourd’hui.`
 
Il y a à Baltimore la ville, Baltimore City et la campagne, Baltimore County. Avant 1955, 80% de la population de Baltimore City était blanche et 80% de la population de Baltimore County était noire. 
 
Mais avec la crise industrielle, les populations noires pauvres affluèrent des campagnes vers la ville afin de chercher du travail. En sens inverse, les population blanches plus aisées fuirent la ville et en 1965, les ratios s’étaient inversés : 80% de la population de Baltimore City était devenue noire et 80% de la population de Baltimore County était devenue blanche et il en est encore ainsi aujourd’hui.
  
C’est un immense transfert de population naturel et violent qui s’est produit en à peine 10 ans et dont la ville porte encore les stigmates aujourd’hui.
 
Nous habitions en plein centre ville, à Federal Hill, dans une enclave pour étudiants et bobos blancs. Les frontières n’étaient pas marquées mais connues de tous. 
 
Pour assurer la sécurité dans cette enclave, la ville emploie des agents civils à qui ils mettent un polo jaune et munissent d’un talkie-walkie. Ils patrouillent le quartier, aident les touristes, raccompagnent les femmes, appellent des taxis et au moindre problème appellent la police avec leur radio.
 
Un ami américain qui avait grandi dans ce quartier avant qu’il ne soit «  repris » par la ville nous montrait où étaient les trafiquants de drogue, les prostituées et surtout il nous racontait la peur qu’avaient ses parents… des rats. Il nous disait que les rats étaient si gros qu’ils s’attaquaient aux bébés. Le quartier entier était infesté, ils grouillaient dans les égouts. Nous étions au tournant des années 1990. Il n’y a pas si longtemps.
 
Entre temps, cette enclave a été nettoyée à grands coups d’argent public, mais ce n’est qu’une tâche dans l’immense zone urbaine de Baltimore. 
 
Nous y avons bien vécu. Nous étions jeunes et ne sommes restés qu’un an. Mais en 13 petits mois, nous avons eu :
  • une grave fuite de gaz dans notre rue,
  • notre voiture a été accrochée par celle d’un dealer de drogue qui finit dans l’arbre en face de chez nous abandonnant près de 100 kilos de drogue dans le coffre,
  • une voisine fut réveillée en pleine nuit avec un couteau sous la gorge par un cambrioleur qui la dévalisa de 50$ alors que son mari dormait à côté ( et abandonnant le couteau de cuisine qui en valait 200),
  • d’autres voisins furent attaqués l’arme au poing alors qu’ils fumaient une cigarette sur le perron de leur maison, là encore pour quelques dizaines de dollars.
 
Et cela c’était dans le bon quartier.
 
À Baltimore l’eau du robinet n’est pas potable, la plupart des maisons sont encore contaminées par d’anciennes peintures au plomb, oui il y a des rats et oui de grandes parties de la villes sont dégoutantes et infestées.
 
Sur les 3 dernières maires de la ville, des femmes noires, 2 ont démissionné suite à des affaires de corruptions et la dernière a soigneusement évité de se représenter après les émeutes de Baltimore qu’elle géra de manière catastrophique.
 
Aujourd’hui Baltimore est un archipel constitué de centaines de quartiers. La plupart sont médiocres, ni invivables ni agréables, certains sont de véritables ghettos aux deux extrémités, ghettos de riches et ghettos de pauvres. Ce qui est sûr c’est que la population ne sait plus y vivre ensemble depuis maintenant un demi siècle et cela laisse des traces durables et douloureuses.
 
Je vous raconte tout cela car, comme souvent, ce qui se passe aux États-Unis finit par arriver en Europe. L’année dernière, le sondeur Jérôme Fourquet a publié un livre magistral : L’Archipel français sur les innombrables lignes de fractures qui traversent la société française. 
 
Bien sûr Baltimore est une caricature et le pire n’est jamais sûr. Mais nous sommes sur ce chemin, et pour faire marche arrière, ce n’est pas de politiquement correct de nos médias dont nous avons besoin mais de vérité et de réalisme. Et pour cela honte aux grands médias et leurs articles tous identiques, démagos et destructeurs.
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle

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