Pourquoi nous offrons des cadeaux

25 12 2019
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Mon cher lecteur,
 
Plus nous mettons d’étiquettes sur les choses et de prix à nos services, plus nous nous offrons de cadeaux.
 
Entre 2011 et 2017 les dépenses de Noël ont augmenté de 25%.
Il y a là comme une réaction archaïque, un réflexe à l’échelle d’une société toute entière.
 
Car, les cadeaux sont une forme d’aberration du libéralisme.
La théorie libérale implique, pour être efficace, de donner une valeur d’échange à toute chose, un prix de marché à tout bien ou service quel qu’il soit. J’ai développé ce point il y a quelques jours au sujet des retraites.
 
Par définition, les cadeaux faussent l’équilibre de marché, car un vrai cadeau n’a pas de prix.
 
Il existe bien évidemment un business du cadeau, un détournement de ce lien social et sur les cadeaux aussi nous mettons de plus en plus d’étiquettes en oubliant que l’intention et la préparation ont bien souvent plus de valeur que les chiffres inscrits sur le ticket de caisse.
 
N’ai-je pas commencé cette lettre par l’augmentation des dépenses de cadeaux malgré la crise ?
 
Mais c’est que le reste est insaisissable et cet insaisissable est une part entière de notre humanité dont on ne se débarrasse pas impunément.
 
Nous vivons depuis 200 ou 250 ans sous le régime d’échange du libéralisme économique.
 
Mais le monde n’a pas commencé en France en 1789.
 
Avant cela et pendant des milliers d’années, selon les travaux de l’économiste Karl Polanyi, les échangent s’organisaient essentiellement selon une combinaison de 3 règles :
  • La réciprocité selon un modèle de dons et contre-dons, on s’échange un panier de fraise en juin contre un panier de champignon en octobre, selon les talents et ressources de chacun, modèle qui marche essentiellement à petite échelle ;
 
  • La redistribution qui, elle, implique une autorité centrale qui concentre les richesses et les redistribue à la communauté selon les besoins de chacun. Cela fait penser bien entendu à nos systèmes de sécurité sociale et dont la limite évidente est le détournement des richesses et leur mauvaise gestion ou allocation par l’autorité centrale ;
 
 
  • L’autarcie qui recoupe largement le principe d’oikonomia d’Aristote où la vie est organisée autour de la maison et de terres et d’un principe d’autosubsistance.
Ces 3 modes d’organisation ont chacun leurs avantages et inconvénients mais ils partagent cette particularité incroyable : la recherche de profit leur est absente.
 
Cela paraît presqu’impensable de nos jours mais pendant des milliers d’années, l’idée de profit a été tout à fait marginale dans nos organisations sociales.
 
Et il est probable qu’elle le redeviendra d’ici quelques décennies. Et cette habitude que nous avons de nous faire des cadeaux, même dévoyée par le consumérisme et recherche du profit, est un lien archaïque qui participera sans doute à notre salut le moment venu.
 
D’ailleurs, je n’ai pas fini les miens… Je vous quitte.
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle


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