La guerre est la continuation de la DETTE par d’autres moyens

01 03 2023
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« Vous me demanderez pourquoi j’aime mieux prendre une livre de chair morte que de recevoir trois mille ducats ? À cela je n’ai point d’autre réponse, sinon que c’est mon idée. »
William Shakespeare, Le Marchand de Venise
 
« C’est le mérite tragique de notre condition que d’ouvrir des portes. »
George Steiner, Dans le Château de Barbe-Bleue
 
« Babylone n’est rien qu’un jeu de hasard infini. »
Jorge-Luis Borges, La Loterie à Babylone
 
Ma chère lectrice, mon cher lecteur,
 
La bourse ou la vie en 2023 prend des proportions gargantuesques et pourrait s’écrire :
 
300 000 milliards de dettes ou 300 millions de vies.
 
L’engrenage dans lequel nous sommes pris pourrait nous amener à préférer sacrifier 300 millions de vies humaines plutôt que 300 000 milliards de dollars de dettes dans le monde [1].
 
Nous avons la fausse impression que les graves crises économiques mènent aux guerres comme 1929 a précédé 1939.
 
Nous allons voir dans ces lignes que ce ne sont pas tant les crises qui décident des guerres que notre refus de ces crises ou plutôt des liquidations qu’elles exigent face aux dérives monétaires du crédit et des dettes.
 
À défaut de traiter notre cancer monétaire et d’amputer la tumeur de la dette, celle-ci fait des métastases dans les sphères économiques, sociales, politiques et militaires donc.
 
Il n’est plus vraiment question de diplomatie ou plutôt nous sommes dans la diplomatie du billet vert et :
 
La guerre moderne est la continuation de la dette par d’autres moyens.
 
Combien vaut une vie ?
« Nos vies valent plus que leurs profits » lançait il y a 15 ans déjà le postier de Neuilly Besancenot.
 
Nous voudrions y croire mais savons bien que ce n’est pas vrai. Et de même que certains voudraient nous faire croire que le conflit ukrainien se terminera par la victoire du bien contre le mal, nous savons aussi que des facteurs bien plus terre à terre de comptabilité macabre emporteront la décision.
 
Nous allons tenir cette comptabilité aujourd’hui, non par goût mais parce qu’il faut bien prendre conscience des enjeux réels derrière la moraline propagandiste.
 
Combien vaut une vie ?
 
Une vie n’a pas de prix bien entendu, sauf pour un assureur et tout un tas d’autres professionnels de la vie et de la mort qui ont calculé depuis une soixantaine d’années non pas la valeur d’une vie mais la valeur d’une vie statistique — VVS dans le jargon ou VSL dans celui de la langue d’Albion.
 
Nous ne nous cacherons pas derrière notre petit doigt, statistique ou pas, il s’agit bien de la valeur monétaire d’une vie dont nous parlons ici et s’il s’agit de moyenne, ces chiffres sont utilisés tous les jours au niveau individuel.
 
Aux États-Unis, une vie vaut 7,5 millions de dollars selon la FEMA, l’agence fédérale qui gère les catastrophes naturelles. [2]
 
En Russie elle ne dépasse pas 2 millions. Elle vaut 3 millions d’euros en France et un million en moyenne mondiale :
 
Sur l’échelle du grand marchandage humain, notre temps dévolu sur cette terre nous rapproche davantage d’un Moujik que de l’oncle Sam et 300 billions de dettes seraient équivalentes à 300 millions de vies humaines.
Le temps du Veau d’or
On parle rarement de ces statistiques fort déplaisantes sur la valeur monétaire de la vie, d’une année ou simplement d’une heure. Nous avons une très bonne raison de ne pas le faire : C’est absolument immoral, notamment selon la sentence de Saint Thomas d’Aquin : « La terre appartient aux hommes mais le temps appartient à Dieu » et comment pourrions-nous monnayer ce qui ne nous appartient pas ?
 
Mais cela ne nous empêche pas d’utiliser à tout bout de champ ces statistiques de valeur monétaire d’une vie.
 
Ce que nous observons aujourd’hui, c’est le veau d’or, la monnaie en tant qu’idole qui, au lieu de libérer les échanges, apporter l’abondance et la paix, apporte la guerre et la disette, asservit nos vies, pire les sacrifie dans une sorte de mécanisme primitif. 
 
Comprenez bien qu’ici observation ne vaut pas adhésion.
 
La FEMA estime ainsi qu’une heure de vie perdue dans les bouchons ou les transports vaut précisément 34,72 $ [2] : si un pont permet d’économiser 1 million d’heures de transport son coût de construction devrait être inférieur à 34 720 000 $ pour être économiquement intéressant… Non pas dans l’absolu mais selon les règles de la FEMA.
 
Bien sûr, la ville ou la région à qui profiterait ce pont pourrait se retrouver en assemblée, discuter, organiser un référendum pour décider collectivement du pont en question et de son financement mais ici, l’argent a remplacé nos vies et nos avis et d’une certaine manière semble les rendre obsolètes.
 
Il existe de très nombreuses manières d’estimer la valeur de la vie :  Combien nous-mêmes sommes prêts à payer pour un traitement qui prolongerait notre vie d’une année, pour prendre un tunnel qui nous ferait économiser 20 minutes de trajet, pour mettre notre famille à l’abri avec une assurance décès… Il y a aussi les calculs des assureurs : Combien indemniser les victimes de Pierre Palmade et de tous les chauffards qui détruisent des vies ? Combien la Sécu peut-elle accepter de rembourser un traitement qui fera gagner en moyenne 3 ans d’espérance de vie en bonne santé à son patient ?
 
Nous pouvons également estimer les besoins d’une personne pour vivre dignement : Se loger, se nourrir, s’habiller, se chauffer, se déplacer, se soigner…
 
De l’autre côté du spectre on peut aussi calculer les richesses monétaires et — plus difficilement — non monétaires créées par chaque vie.
 
Un Ukrainien vaut 1/10e de Français en valeur intérieure brute
Un calcul simpliste consiste à prendre le PIB par habitant et le multiplier par l’espérance de vie ce qui nous donne une sorte de valeur intérieure brute de la vie d’environ 5 millions de dollars pour un Américain et 3,5 millions d’euros pour un Français.
 
Et pour un Ukrainien ? La valeur intérieure brute ne dépasse pas 350 000 $ et encore le chiffre est-il encore à diviser par deux si l’on regarde les pratiques d’indemnisation du pays.
 
En plus de l’indemnisation, il faut encore compter le manque à gagner économique de la paire de bras perdue. Ici les statistiques sont convergentes : La valeur économique, productive, d’une vie avoisine un million de dollars.
 
Nous pouvons donc estimer plus justement la valeur économique d’un ukrainien à environ 1 million de dollars et 2 pour un Russe donc.
 
Les 300 000 pertes estimées du conflit ukrainien équivaudraient donc statistiquement autour 450 milliards de dollars.
 
Ne croyez pas que cela ne compte pas dans l’engagement des troupes : aussi dégueulasse que cela soit, il est infiniment moins coûteux de perdre un soldat ukrainien que français ou américain.
 
Poutine a insisté lors de son dernier discours sur le développement humain de la population russe : formation, santé, infrastructure… Emmanuel Todd a d’ailleurs noté qu’en 30 ans de temps les dynamiques s’étaient inversées. C’est en Russie que baisse aujourd’hui la mortalité infantile, que l’espérance de vie augmente ainsi que les niveaux de formations. Pendant ce temps les États-Unis ont fait le chemin inverse.
 
Il y a un retournement par rapport aux Soviétiques qui sacrifiaient leur économie au profit de leur armée, leur population au profit de leur expansion.
 
L’Ukraine et la malédiction des ressources
C’est l’Ukraine aujourd’hui qui est sacrifiée : Nous oublions trop vite que l’Ukraine est le pays le plus pauvre d’Europe géographique, que les bonnes fées FMI, OTAN et USA qui se sont penchées sur le berceau ukrainien pour mieux détruire leur monnaie, la Hryvnia perd les 3/4 de sa valeur depuis 2014 pendant que la dette publique est multipliée par 5 et que la corruption s’envole à des niveaux stratosphériques.
 
Avant la guerre, l’Ukraine était plus pauvre encore que le Kosovo et pourtant infiniment plus riche par ses terres et son sous-sol.
 
C’est un phénomène que nous connaissons bien sous le nom de paradoxe de l’abondance ou malédiction des ressources qui frappe bon nombre de pays très riches en ressources naturelles et dont parlait déjà The Spectator en… 1711, sans faute de frappe [3].
 
Peu importe qu’ils meurent tant que nous accédons à leurs ressources : Voilà la politique officieuse en Ukraine, inconsciente même pour l’immense majorité de l’Occident.
 
Nous retrouvons ici la dialectique de la bourse et de la vie : C’est normalement l’inflation qui sonne la fin des récréations monétaires et le retour forcé à l’équilibre et l’inflation elle-même est entraînée par les prix des matières premières.
 
Billet vert et or noir : Le maillon faible américain
Bruno Bertez a fait suivre récemment une analyse russe selon laquelle la guerre d’Ukraine affaiblirait considérablement les États-Unis par le renchérissement des matières premières entraînant l’inflation et faisant peser un poids insupportable sur le système monétaire américain [4].
 
L’ours russe a tendance ici à vendre la peau du grizzli américain avant de l’avoir tué et les Américains font généralement preuve d’une adaptabilité déconcertante dans ce genre de situation et il s’agit de se demander si l’hypersexualisation de la société américaine a fini d’user ce caractère remarquable.
 
Les Russes ont en tout cas parfaitement compris que la prédation américaine des ressources du globe sert la protection du billet vert et la capacité à imprimer sans fin des dollars et ils attaquent indirectement l’Amérique sur son maillon faible : La guerre d’Ukraine n’a jamais été un expansionnisme local.
 
Nous retrouvons ici la grande question économique de la richesse : Vient-elle de la terre (et des ressources du sous-sol) comme avançaient déjà les physiocrates ou des hommes comme le pensaient les mercantilistes, déjà au XVIIIe siècle ?
 
Combien d’hommes vaut l’Ukraine ?
Combien d’homme serait-il économiquement rationnel — mais certainement pas raisonnable — de sacrifier pour l’accès aux terres ukrainiennes ?
Nous avons avancé grossièrement 450 milliards pour les 300 000 décès et blessés de la guerre jusqu’ici.
 
Ce chiffre sordide est à comparer aux 700 milliards estimés pour reconstruire l’Ukraine. [5]
 
Ces 700 milliards ne sont pas tant un coût matériel en plus du coût humain qu’une richesse à prélever sur le pays par le vainqueur grâce à la magie du crédit et des contrats de reconstruction.
 
Ainsi pourrions-nous entrevoir la fin de cette guerre d’ici quelques mois avec le renversement de cette équation macabre et donc une sorte de paix blanche à la coréenne où chacun sauve son investissement de chair et d’os si nous nous en tenons aux équilibres économiques et financiers.
 
Attention, je ne suppose pas qu’il existe des gens dans d’obscurs bureaux qui tiennent cette comptabilité mais dans la société capitaliste qui est la nôtre, dirigée par le capital, c’est-à-dire le fric, c’est lui qui emporte la décision en dernière analyse, non pas de manière concertée mais mécanique, systémique.
 
Nous nous confrontons ici à un problème : Cette guerre n’est pas tant celle de la Russie contre l’Ukraine mais de la Chine contre les États-Unis (il me semble l’avoir déjà souligné au mois de mars 2022 [6]) et jusqu’ici le vainqueur véritable ne sera pas celui qui paie le prix du sang.
 
Nous retrouvons ici cette dérive financière de la dissociation du risque et du gain : Je ne parle pas de contamination et de métastase du cancer financier en vain.
 
Ce danger est encore augmenté par les sacrifices consentis par les Russes et les Ukrainiens qui luttent désormais pour leur survie.
 
Nous oublions un peu vite que l’Ukraine est un pays coupé en deux avec une moitié sud russophone et russophile et une moitié nord ukrainophone et europhile.
 
Quelle que soit l’issue de cette guerre, si les frontières sont reconstituées à l’identique, une moitié de population souffrira le martyre des vaincus. Vae victis.
 
Mais de toute manière, il ne s’agit que d’une question de temps avant que le conflit ne fasse des métastases.
 
Si la guerre d’Ukraine est une guerre de proxy, elle prépare le conflit majeur du XXIe siècle entre les États-Unis et la Chine.
 
Pourquoi la Chine et les États-Unis ne peuvent-ils pas se confronter en évitant la guerre ?
Mais pourquoi les 2 super puissances ne pourraient-elles pas régler leurs différends par des guerres commerciales ou diplomatiques plutôt que la déflagration d’une guerre conventionnelle doublée de l’angoisse d’un hiver nucléaire.
 
Vous connaissez l’adage, la politique étrangère n’est que le reflet de la politique intérieure et un autre, tant qu’on y est : la guerre est la continuation de la dette par d’autres moyens. Cette variante est de moi. Elle est si importante que je l’ai remontée en titre de cette analyse difficile.
 
Nous avons vu que la valeur statistique d’une vie humaine peut-être calculée sous l’angle de la production ou de sa consommation de richesses.
 
Si un Ukrainien, peuple martyre, produit beaucoup plus de richesses qu’il n’en consomme… Chez nous, la tendance est inverse.
 
Je ne vous apprendrai rien en notant qu’en Occident nous consommons statistiquement bien plus que la part de richesse qui est attribuée à notre travail.
 
Pour le dire crûment, il devient rationnel (mais toujours pas raisonnable) pour une cleptocratie de détruire des vies quand celles-ci coûtent davantage qu’elles ne produisent ou plutôt qu’elles coûtent davantage que l’on veut bien accorder à leur travail.
 
Depuis 2009 l’Occident a produit 5 fois plus de crédits, de dettes que de richesses, 5 fois plus de promesses que de capacité à les honorer.
 
Comme j’ai pu l’analyser par ailleurs, cette débauche de capital a fait pression à la baisse sur les salaires réels comme elle a favorisé un comportement prédateur dans les relations internationales.
 
Nos économies ne créant plus assez de croissance pour répondre aux attentes du capital, du travail et des partenaires internationaux, le grand capital qui est roi en système capitaliste, a vampirisé le travail et l’étranger.
 
Entre autres dysfonctionnement cela a créé un cercle vicieux, la moindre attractivité du travail plombant encore davantage les perspectives de croissance ravivant la prédation et ainsi de suite.
 
Nous devrions nous rendre compte que dans le système actuel nous ne sommes plus tant des « agents économiques » qui participent à créer la richesse commune que des ayants droit de cette même richesse déjà disparue par la magie de la monnaie et dont les revendications insolvables deviennent gênantes.
 
Bien sûr nous pourrions corriger cette dérive, accepter notre faillite, prendre nos pertes, retrousser nos manches et corriger nos excès capitalistiques et financiers.
 
La haute bourgeoisie d’affaire atlantiste pourrait également vouloir que rien ne change et continuer à sacrifier sa population et ses « partenaires » étrangers plutôt que d’accepter la ruine dont elle est responsable.
 
Consciemment ou non, ces gens pourraient bien préférer sacrifier 300 millions de vies dans le monde que 300 000 milliards des dettes du même monde qui finiront malgré tout dans les poubelles de l’hyperinflation.
 
Chaque euro de dette se réglera en livre de chair
Saint Thomas d’Aquin condamne l’usure car elle revient à faire payer quelque chose qui n’existe pas.
 
Longtemps la condamnation de l’usure par l’église a été moquée comme une sorte d’obscurantisme heureusement dépassé.
 
C’est oublier que Thomas d’Aquin est un grand monétariste, sinon l’un des plus grands (la question 78 de Seconda secondae de la Somme théologique sur l’usure est remarquable [7]) et force est de constater que les 300 000 milliards de dettes que nous portons ne sont qu’une fiction dont l’immense majorité n’est jamais que de l’intérêt composé.
 
Et cette fiction, ces vaines promesses risquent fort d’être réglée en livres de chairs.
 
Chaque euro de dette, chaque dollar, que nous refuserons de régler ou d’annuler se réglera en livre de chair.
 
À bon entendeur et à votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle
 
Notes :
 
 
 
 
 
 
 
 
Je m’appelle Guy de La Fortelle et je rédige le service d’information GRATUIT et INDÉPENDANT : L’Investisseur sans Costume.
 
À partir d’aujourd’hui, je vais vous dire tous les secrets de l’économie et de la finance que les médias grands publics « oublient ».
 
J’ai écrit un article complet sur La guerre est la continuation de la DETTE par d’autres moyens
 
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À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle


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